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Hibou

27.05.2005 · Posted in General

 

Je glisse mon chariot dans les rayons de Carouf, c’est un de ces nouveaux chariots bleus avec un anti-tamp en caoutchouc pour pas s’abimer les mollets, mais c’est toujours de ces chariots qui quand ils roulent un peu trop, te filent une putain de décharge électrique quand tu les éfleures autre part que sur la poignée.

Les courses, c’est mon dada hebdomadaire, ça me fait chier, et je n’y vais que quand je n’ai plus de con de yahourt pour le matin, ou plus de CocaLite dans le frigo, en plus j’apréhende, parce que je vais être tout seul avec mon chariot à peine rempli au fond et j’aurais l’air d’un con de célibataire pré-trentenaire, ce qui est notablement extrèment repoussant pour n’importe quelle nana, il faut l’avouer (si en plus j’ai un t-shirt geek, autant dire que je me garantie une tranquilité permanente).

Pour assumer encore plus ce moment de solitude sociale, j’ai maintenant ce sublime accessoire qu’est l’Archos, me permettant de faire les courses encore plus éloigné du monde des vivant(e)s, et surtout de chanter bêtement en choisissant mon désodorisant chiotte (non mais je rigole, j’ai pas vraiment de désodorisant chiotte, je veux dire, faire popo, ça pue, mais jamais autant qu’un désodorisant chiotte, mais c’était une belle image que de m’imaginer en chantant Shadow devant des Rexona pour cuvette).

Ce Mercredi soir je devais chercher des travers de porc pour un barbeuk-Port-Sud-Coloc auquel je me rendais dans les heures suivantes, et, bloqué et interloqué devant le rayon PORCHERIE, ne trouvant aucune étiquette marquée « TRAVERS », je laissais vaquer mon regard dans le vide en pensant « grmbl, cotelettes, grmbl, rien compris, grmbl, pourquoi pas des merguez », quand il fut accroché par cette dame.

Une dame simple au demeurant, une taille moyenne, je dirais 1m65 tout au plus, avec ses cheveux bruns et son regard désabusé, un haut blanc simple et un pantalon gris pas particulièrement original, mais juste qu’en cet instant, on se dit que putain, si j’avais l’once de courage de ma vie ça serait maintenant qu’il faudrait l’utiliser, parce que cette fille a l’air normal, quand elle a croisé ton regard, ça a fait vraiment bizarre dans ta tête.

Son copain la rejoint alors, un grand type plutôt beau gosse skater avec une casquette, je le regarde le temps de retomber sur Terre et de voir si il a quelque chose que je peux lui soutirer, je sais pas, un accessoire, une idée de style, mais non, en fait, c’est un average skater, il a l’air moyennement intelligent, mais au rayon Charcuterie de Carrefour, on a tous l’air de cons porcins.
Tous sauf cette fille, qui comme un aimant à polarité inversé s’éloigne de son copain dès qu’il s’approche d’elle.

Je monte le son de l’Archos contre tout avis médical au vu de mes acouphènes de ces dernières semaines, je crois que c’est une sale chanson de AFI qu’avait choisi mon random pour illustrer ce moment de ma vie, qu’à cela ne tienne, je remonte mon jean qui traine un peu trop sur le carrelage et je m’éloigne en pensant que là, vraiment, je suis grave, je veux dire, tous les endroits auquels je me rends, c’est toujours du style « vais-je rencontrer quelqu’un ? », « c’est ce soir que j’aurais droit à LA rencontre ? », je me force à ne pas y penser, persuadé que c’est quand on s’y attend le moins que ça arrive, sauf que là, je peux pas m’empêcher de m’y attendre tout le temps, c’est même pas de l’espoir, c’est un espèce de sale jeu avec le destin, à chaque fois que je le remet en doute, il se permet de me montrer que c’est lui qui a les clés en main, et qu’il va pas faire selon ma bonne volonté, mais plutôt selon ma bonne suprise.

Plus tard, encore dans un instant putain de banal de queue de caisse, du genre que tous les humains civilisés vivent en ésperant qu’Internet les en dispensera dans un avenir proche, le destin me fait la surprise de croiser encore une fois le regard de cette fille à une vingtaine de mètre, elle vide son chariot pendant que son copain-casquette flâne posé sur la poignée, tié, cooonnaaaaard, ou plutôt non, combien de fois ai-je été autant un connard avec ma copine, moi qui donne des leçons, se prétend savoir quoi faire et ne pas faire, combien de fois ai-je agit de la sorte, oh, plein ..
Elle croise mon regard, le sien toujours désabusé, l’espace d’un instant, elle fait une pause dans son déballage à la chaîne, juste le temps que je remballe mes yeux sur le tapis de la caisse, devienne rouge et me déteste.

Quel courage me faut-il pour faire certaines chose ? J’ai pas une once de courage, sinon je serais pas là en train de raconter une histoire banale de connerie de courses à Carrefour, j’ai pas de courage, j’ai que de la banalité, oh, c’est pas morose comme banalité, c’est juste que ça arrive à tout le monde ces putains d’histoires pas très interessantes, c’est juste qu’à la différence de beaucoup, jamais je n’irais perturber mon quotidien en bousculant la vie de cette fille, en lui disant un mot du genre « Madame, votre ami a mis une casquette rouge, je sais bien qu’avec ma barbe de Village People je n’ai pas l’air plus malin, mais je n’aurais jamais commis cette faute absolu de goût, de plus j’ai le regard d’une loutre, mais lui a celui d’un ours qui n’a rien compris à vos yeux et à vos cheveux, je parie qu’il vous a dit « ah oui c’est pas mal » quand vous êtes revenue de vos 2h de coiffeuse à 75 Euros, alors que c’est sans nulle doute les plus beaux cheveux que j’aie vu depuis quelques mois que vous avez sur votre tête. »
Puis elle aurait peut-être rougi, sûrement cru que j’étais qu’un connard de relou dragueur de rayon charcuterie, mais surtout, se serait retourné vers son copain avec son regard désabusé, il serait venu et m’aurait embrouillé, m’aurait pété le nez parce que les Ours sont toujours plus baraqués que les Village People, en fait.

Rentré à l’appartement, j’avais la pêche pourtant, le coeur léger, l’esprit en fait, je crois que mes 2 min d’amour fugace et impossible m’ont un peu redonné du carburant à ésperer, parce que dans la vie, y’a plein de Rencontres, et même sans les provoquer, même si on ne sait pas qu’elles ont déjà eu lieu, qu’on ne s’en rend compte qu’après avoir fréquenté les personnes pendant plusieurs mois, chaque Rencontre vaudra toujours le coup.

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