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Spécial BLAGOR

06.12.2005 · Posted in General

« C’est Amanda Lear et Vincent Mc Doom qui sont sur un bateau, et là … »

Jean-Noël était sorti du bar avant d’entendre la fin de la blague du pilier, accroché à son comptoir comme un corbeau à son cadavre, picorant son ricard comme on déguste un oeil.
Dehors il faisait un peu froid, et il faisait un peu chier aussi, parce qu’à cause des jeunes du quartier, Jean-Noël devait marcher et prendre le bus pour rentrer du troquet, ces petits connards avaient incendié son Opel Astra de 1996.

Depuis sa naissance, Jean-Noël n’aimait pas vraiment Noël, parce qu’en fait, à cette période, les gens avaient tendance à le regarder bizarrement quand il leur déclinait son prénom. Et aussi parce que son prénom, il faut bien se l’avouer, était à chier, comme la Noël qui le déprimait.

Le trottoir était glissant et ses sandales de cuir brun le protégeaient mal de la pluviote, malgré une bonne paire de chaussettes bleu marine de chez Decathlon. Le modèle avec des drapeaux marins dessus, brodés, spécial pour la marche urbaine avait spécifié le vendeur en mirant ses sandales de travers.

Depuis qu’il est marié, Jean-Noël detestait les sandales, mais sa femme les détestait tellement plus, que c’était vraiment le moyen idéal de la faire chier que d’en porter en permanence. Et aussi, il aimait bien porter ses charentaises en regardant le foot. Jean-Noël détestait le foot, mais il aimait le rayonnement vert que le stade imprimait au salon de son trois pièces.

Après s’être fait aspergé sept fois par les voitures qui passaient près de lui, il décida de marcher un peu plus en retrait de la route, et de nouer son blouson jusqu’au menton, chantonnant du Michel Sardou pour se redonner du coeur au ventre. Sans ces connards de jeunes cons inutiles, il aurait déjà mis le CD de Michel dans son Astra, et le chauffage sur la position maximum.

Jean-Noël atteint enfin le parc des Mimosas, cela signifie plus que quinze minutes de marche pour arriver à l’immeuble des Rouflaquettes, entrée B.
Quand il a emmenagé en 1982, Jean-Noël n’aimais pas aller dans le parc des Mimosas, il y avait toujours des jeunes avec des mobylettes qui y jouaient bruyament, des jeunes comme ceux qui ont brûlé son Astra.
Ce soir encore, il y a des jeunes, mais Jean-Noël est content de les voir.

« Salut les jeunes »
« Oué salut Jean-Noël, ça va ou quoi »
« Ca va bien ! Alors on s’amuse ? »
« Non on s’ennuie Jean-Noël, on a su pour ta caisse, c’est trop con Jean-Noël, c’est pas des jeunes d’ici »
« Oui je sais les jeunes, ne vous inquiétez pas, j’ai l’assurance, je pourrai me racheter au moins une 307 ! »
« C’est cool Jean-Noël, allez bonne fin de soirée Jean-Noël »
« Bonne nuit les jeunes, et soyez sages »

Jean-Noël continuait dans le parc lorsqu’il posa le pied jusqu’à la cheville dans une flaque d’eau boueuse, le liquide glacé passa à travers ses excellentes chaussettes et lui cinglèrent les nerfs jusque dans la cuisse.
Jean-Noël n’aimait pas les jeunes, ils étaient cons et impolis, il voulait s’en débarasser, et aussi de l’eau dans sa chaussette et aussi de sa femme.
Il s’était marié en 1978 à l’Eglise de son village, avec une fille, la copine de celle dont il était amoureux. En fait, il cherchait pas à la rendre jalouse, juste qu’il avait pas osé lui demander, c’était donc plus facile d’épouser quelqu’un dont on est pas amoureux.
Jean-Noël n’avait pas d’enfant, il détestait les enfants.

A la sortie du parc, une patrouille de la BAC contrôlait deux jeunes en leur fouillant l’entre-jambe, flashball pointé sur eux, Jean-Noël s’approcha.

« Bonsoir messieurs les agents, bonsoir les jeunes, pas trop froid ? »
« Bonsoir Jean-Noël »
« Bonsoir Monsieur Jean-Noël »
« Vous avez l’air occupés, je vous laisse à vos affaires !! »
« Rentrez bien Monsieur Jean-Noël, soyez prudents, toi, écarte les jambes »

Le hall de l’immeuble puait sincérement le vomi, et l’odeur était à la limite du supportable durant les deux minutes vingt quatre secondes que dura l’attente de l’ascenceur.
Jean-Noël déglutit en rentrant dans l’ascenceur pour y trouver l’origine de l’odeur.
Il appuya sur huit, en retenant sa respiration.
Une pizza pepperoni ananas chèvre, évidemment, prendre un truc comme ça, c’est obligé qu’on le vomisse.

La porte marron faux bois de son appartement était entr’ouverte, Jean-Noël s’en aperçu car il avait l’habitude d’insérer la clé sans accroc depuis vingt ans, et le « tic » du métal sonna à son oreille comme une sonnette d’alarme.

C’était aujourd’hui.
Il l’avait attendu, ce fameux jour, sa préparation depuis sa naissance, son entrainement intensif, son immersion totale.
Jean-Noël poussa la porte qui ne grinça pas, il prenait soin de l’huiler convenablement, et pénetra lentement dans le hall.
La lumière verte du match de foot, le bruit de la nourriture qui cuit dans la cuisine, ainsi que son odeur. Il prit le temps de retirer lentement son blouson et de l’accrocher sur le porte-manteau, à coté de la doudoune rose et verte de sa femme.

Jean-Noël n’aimait pas sa femme, elle était déjà moche avant qu’il l’épouse, et vingt ans après, c’était une immondice de femme, il lui arrivait d’avoir de le crasse noire entre ses rides, et elle avait un duvet très noir entre ses lèvres et son nez, et cinq ou six poils très noirs et longs de quatre centimètres éparpillés sur le menton. Elle criait des insanités au lit en esperant l’exciter, Jean-Noël aimait les femmes douces et discrètes. Un jour, elle avait voulu qu’il l’a sodomise, et pris de nausée, il dû s’enfuir en courant dans le parc des Mimosas pour oublier qu’il devait resister. Pour la mission. Il devait resister.

Il s’approcha du salon, et contempla l’odieux spectacle.

« Georges, espèce d’enculé, tu m’as retrouvé.
— AHAHAHAHHA ET JE SUIS PLUS FORT QUE JAMAIS !!
— Je suis prêt pour notre affrontement, j’ai mes sandales et ma gourmette ‘Jean-Noël’, cela fait 30 ans que j’attends ce moment, depuis que tu as tué mes parents, je suis invicible grâce à mon entrainement intensif
— TU VAS MOURIR ECRASE PAR MA PUISSANCE COMME TON MISERABLE PERE QUI A TENTE DE S’OPPOSER A MOOOOOOOI
— Georges, pourquoi t’es en slip ?
— C’EST UN SLIP ANTI POULPY TU VAS CREVER !
— Georges, il y a un Snoopy sur ton slip.
— Ah merde j’ai mis mon slip Snoopy au lieu d’anti-Poulpy, meeeerde merde merde … bon, où en étais-je .. ahem .. TA MERE A PLEURE COMME UN CANARD QUI PLEURE QUAND JE L’AI TRANSFORMEE EN PATE DE… CANAAAAARD !!
— Enfoiré de Georges, tu mérites le châtiment ultime !! »

Jean-Noël se jetta sur son Télé7Jours, d’une roulade parfait termina assis sur son canapé But et repera instantanément la page du mardi. VERT, le code couleur ne trompais jamais, Mimi Mathy illustrait cette journée de son sourire radieux mais néanmoins petit. Il se plonga dans la lecture du programme de TF1 comme un curé récite une prière.
Georges ne s’y attendait pas, lui qui s’était mis entre la télé et le canapé, s’attendant à une attaque par match de Sochaux contre Maubeuge, il était désarmé, il n’avait pas prévu la combo Télé7Jours-TF1, et l’image de Mimi Mathy était difficile à parer, il hurla :

« — nnnnNOOON… NOOOOON.. TU NE M’AURAS PAS AUSSI FACILEMENT !
— Georges, tu es fini, voilà tout, je suis imbattable » Répliqua Jean-Noël.

L’infâme Georges sortit de son slip une baguette de pain pas trop cuite, et commença à la poser à l’envers sur la table, mais avant même qu’elle eu touché le panier à pain, Jean-Noël avait effectué un signe de croix dessus, et il avait lancé une parade meurtrière en sortant les photos de vacances à Palavas les flots, étalées en ordre chronologique parfait, photo de lui ensablé en premier, et de sa femme dégustant des moules frites en suivant. Georges était fait, il le savait, il devait tenter le tout pour le tout.

Le sol trembla un instant, il sortit un jeu de cartes écorné et collant, il distribua rapidement à quatre joueurs virtuels, et posa le reste des cartes au centre, un valet de coeur sur le haut du tas.

« Valet tournant … »

Jean-Noël fut surpris de la finesse de l’attaque, mais ne se laissa pas prendre, il réagit immédiattement grâce à sa botte secrète, il n’eu qu’à poser une tasse de café pleine à coté de son jeu, et Luc, le petit voisin de six ans apparu dans le salon, une balle à la main.
La seconde suivant, il avait renversé le café sur le jeu, et tentant de s’excuser en pleurant, et en essuyant les cartes, il donna le coup de grâce à Georges, il dévoila les cartes.

« Georges, il va falloir que tu redistribues, je te sers un Ricard ?
— NOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOON COMMENT PEUX-TU .. NOOOOOON TU ES TROP … NOOOOOOON »

Dans un éclair, plus vite encore que taper 2 pour sauver Pascal de la Star Ac’, Georges disparu, laissant seulement un slip Snoopy sur le sol, Jean-Noël se dit que le final aurait été ultime si Luc avait été son fils, il aurait pu rajouter une torgnole et mieux, des excuses à faire à Georges.
Il appella sa femme, et lui demanda, un sourire satisfait aux lèvres si elle aimait les enfants.

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