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Spring Feathers LP

27.02.2006 · Posted in General

« Tu me trouves pas trop grosse ? »

La question inrépondable du siècle, l’interrogation maîtresse de la féminité libérée de la société moderne, pas d’histoire de soutif au bûcher, de pancartes pour le droit de vote, une seule et même question qui subjugue autant les philosophes que les sociologues, déroute les psychologues et les gynécologues, fait la fortune des adipologues.

« et bien … »

En premier, lieu, gagner du temps, c’est vrai, qu’est-ce qu’il pourrait répondre ? Choix multiples :

1. « Non ! »

Evidemment cette réponse est la meilleure et la plus attendue, mais elle le ferait à coup sûr passer pour un mielleux menteur, une fille se trouve toujours grosse, donc si on lui dit le contraire, c’est définitivement un mensonge.

2. « Oui ! »

Ce qui peut passer comme une blague du second degré emplie d’un message que oui, en fait, elle est pas si maigre, mais que ce n’est pas une affaire de poids entre elle et lui, plutôt une affaire de langues entrelacées et de mains dans les poches l’un de l’autre.

3. Dire la vérité

Même si elle est blessante ? Pas évident mais ce subterfuge trouvera aux yeux de sa douce un air de dévotion totale de son boyfriend. Pourtant, si il lui dit qu’effectivement il la trouve grosse, il serait important de rapidement

4. Relativiser

Il est évident qu’il n’arrivera à rien en lachant une vérité crue ou un mot rassurant, vu que de toutes manières, toutes les filles ont de la cellulite, sauf les anorexiques, et il faut savoir qu’une anorexique n’est pas sexy, ma chère Lindsay Lohann, au contraire, elle a les seins mous et flétris, plats et collés aux cottes, quand elle a des seins évidemment, et les hommes aiment les seins.
D’un autre coté, c’est pas parce qu’elle ne mettra pas de pantalon moulant ou de string qu’elle ne sera pas sexy, d’ailleurs, les strings sont so early 2000’s, on est en 2006 merde, c’est un peu comme si on écoutait encore « Tomber la chemise » ou qu’on croyait en l’équipe de France de Foot pour faire du résultat.

Thomas ou « Tom » comme ses copains l’appelaient répondit donc.
– En tous cas tu es moins moche que Calista Flockart et que cette gorette de Magalie …
– Oui bon si je t’avais demandé de me comparer à Magalie j’aurais fait autrement, répondit-elle.

Manqué.
Tout une théorie à revoir, quand est-ce que l’homme aurait une réponse réellement efficace à cette éternelle question, il serait temps de trouver, on est au 21e siècle bordel, et Tom patine depuis des mois avec Mélanie, rien de bien transcendant, il n’a même pas réussi à lui faire accepter une relation sexuelle en dehors de son lit.
Pourtant au Lycée, ils faisaient figure de « couple marié », c’était pas courant de voir des relations si longues.

Mélanie sourit un peu, faisant passer le message qu’il était inutile à Tom de se compliquer plus longtemps à chercher une réponse, elle n’attendait que de lui un trouble, se satisfaisant de voir ses joues rosir, cutie cutie, il était vraiment mignon et simple, même avec ce coté rebelle macho imberbe à baggy.
Elle remit un peu les draps de sorte à ce qu’ils ne soient pas complétement en boule, la couette à peu près à plat, et puis re-enfila son string, hésitant un instant, puis souriant en murmurant une vieille chanson, elle écrasa la boite de mouchoir en carton posée sur la moquette, dans un drôle de « craoc » mou et offrant peu de résistance à son poids pourtant relatif, l’impression d’écraser une brique comme Godzilla écrase un immeuble l’emplit alors, et au lieu de retirer son pied, continua à se rhabiller sur le pauvre objet victime de son imagination tordue.
Tom écartait sa machoire face au miroir de la grande salle de bain de ses parents, pour voir si une de ses molaires ne serait pas cariée, tout en faisant remonter sa glotte par jeu, haut, bas, glaaaaaarg, haut, bas. Il avait enfilé un t-shirt un peu large et élimé, c’étais la classe quoi, et il sentait encore sur son visage une vague odeur de cyprine qui au contraire de le dégouter, faisait monter en lui une sorte de fierté, il prévoyait même de ne se pas se laver le visage et de faire la bise à toutes les copines de Mélanie qu’ils allaient rejoindre dans quelques minutes. C’était comme un défi, pour leur dire que même si elles ne le trouvaient pas assez bien pour elle, elles ne seraient jamais que des moches, pas mal baisées, mais tout simplement non baisées, et ça les faisait enrager que pas un seul mec ne souhaite les approcher.
A son tour il enfila son boxer CK et son baggy, et retourna vers Mélanie qui était maintenant en train de se battre avec ses lacets, il faut dire que vouloir tenir son sac, son manteau et ses clés en même temps relevait du défi.
– J’aime ton t-shirt beige, j’aime quand tu le mets « après », lui lança-t-elle
– J’aime que tu t’habilles toujours en bleu, j’aime ça, ce truc cohérent, ton idée fixe du bleu
C’était à son tour de rosir, il évitait en général de dire ce genre de chose, pas qu’il ne devait pas les penser, juste .. qu’il ne les disait jamais. C’était troublant en cet instant, en même temps son assurance grandissait toujours à ce moment là de la journée, mais c’était pas l’assurance de Tom qui lui avait plu, c’était le fait qu’il émette un goût, une préference, lui qui était ancré dans ses « comme tu veux » ou dans les « je sais pas », il avait émis un avis, et il l’avait assuré en répétant deux fois le verbe « aimer ».

Aujourd’hui, à 13h27, dans l’appartement des parents de Tom, Mélanie tomba amoureuse pour la première fois de sa vie, et la musique dans ses oreilles plus tard dans le Métro lui confirma ses doutes, toutes les paroles revenaient à lui.

Le soir même, Tom lui annonçait leur rupture, c’est d’une logique implacable, surtout son excuse :
Il était sorti du Lycée après les cours, et profitant de la chaleur printanière, c’était le retour du soleil et des petits oiseaux, il décida de marcher un petit peu dans un parc.
Sur un banc, il allait alors trouver un livre dont le titre n’a qu’une importance relative, c’est juste que le temps qu’il s’étonne de cette trouvaille incongrue, il aurait pu le passer à fuir le plus loin possible de la zone de travaux où Jean Michel Denodieux au volant de son tractopelle piqua directement dans un objet souterrain enfoui là depuis plus de soixante ans, souvenir de la gloire passée de l’armada Alliée, et faisant ainsi détonner cet antique explosif, propulsa des débris qui forcèrent Tom à se coucher à terre, il eut néanmoins le bras droit arraché à 70% et ne pourrait donc jamais se remettre, et ainsi, il allait passer le reste de sa jeunesse dans un hopital en rééducation, et ne souhaitait plus voir ses anciens amis tant la honte et la douleur étaient fortes.

Mélanie passe donc chez les parents de Tom, se présentant avec les joues marquées de coulées de larmes inhérentes à la rupture du sentiment qu’elle venait à peine de connaître, elle portait encore son sac et son manteau de manière gauche et peu assurée, quand la mère de Tom ouvre la porte, elle accueille la jeune fille avec politesse et sourire, et la convie à les joindre dans la salle à manger, où trône son mari et son fils, aspirant une soupe sur leurs cuillères.
Devant l’air troublé de son ancien petit ami, Mélanie ne s’encombre pas de discours, elle sort un couteau à longue lame et se jette sur le bras du malheureux lycéen, le coupant à hauteur de 70%, méthodiquement, au milieu des hurlements de la mère du pauvre lycéen, et impassible face aux coups portés par son père, essayant de la séparer du corps de son enfant, qui maintenant se vidait de son sang sur la moquette.

Aujourd’hui à 20h45, dans l’appartement des parents de Tom, Mélanie tomba amoureuse pour la deuxième fois de sa vie, et le sang qui jaillissait des parents de Tom lui confirma, toutes ses autres victimes allaient lui confirmait, que le seul amant qui allait la satisfaire dorénavant serait la Mort, violente.

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