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Dream Theater

28.05.2003 · Posted in General

Sauter, de colline en colline, je sens le vent dans mes cheveux, sur mon visage, ma peau, à chaque pas de géant que je fais, je suis envahi du silence, là haut, pas un bruit ne perturbe mon déplacement serein. Chacune de mes enjambées relève de l’exploit, celle-ci dépasse les 500 mètres, et l’autre atteint le kilomètre !
Je suis parti de chez moi, ma masure ne me suffisait plus, on m’avait promis à un bien plus haut destin, devenir l’élu de quelque chose, le héros de quelques uns, ou la nemesis d’un sorcier quelconque. Pas besoin d’oracle, de marque de naissance ou de vieux prophète pour me l’annoncer, je l’avais toujours su. Depuis mes 18 ans, il y a 3 jours, enfin, comme une libération mes pouvoirs ont apparu, je peux presque voler, je peux voir plus loin que l’horizon, sentir les baies du jardin royal derrière sa muraille monstrueuse, entendre le rire cristallin des courtisanes à la jupe retournée, et souffle rauque des vicomtes à l’ouvrage.

Je cherchais donc ma princesse, ou toute autre chose à sauver, car c’était par là qu’il fallait passer, non, pour devenir un vrai chevalier héroïque ?
J’avais ma faux, prête à tailler en pièces l’éventuel monstrueux gardien, je la maitrisais mieux encore que la Mort lui-même, après mes années passées dans le champ famillial, je l’avais préparée, aiguisée, décorée de gravures, une fine cordelette de cuir permettait à mes mains de s’y aggriper comme à une épaisse liane.
L’arme tournoyait dans le vent, au rythme de mes sauts gigantesques, je ne me sentais pas fatigué, c’était comme si j’avais toujours su faire ce genre de prouesses, hier, j’ai dit à mes parents à quel point je les aimais et qu’ils me manqueraient, j’ai cherché à revoir ma douce pour essayer une dernière fois de la convaincre de tenter le pêché avec moi, mais elle n’a pu saisir sa chance, qu’importe, la princesse sera sûrement moins frileuse avec son sauveur, et je comptais qu’elle arbore moins de verrues aussi.

La nuit tombe, bien que fatigué, je m’impose un arrêt dans un village d’éleveurs, sûr d’y trouver un bon morceau de viande de bovin, mes frusques sont poussièreuses et sentent une odeur forte et enivrante que seule la vitesse apporte. Une veste verte foncée, un pantalon beige et épais comme la peau d’un ours, une besace en cuir grossier, voilà les seules possessions qu’il me restait, plus quelques pièces pour survivre une semaine, mais j’allais trouver un trésor, n’est-ce pas ?
Une auberge, usée, habituée au passage, accueillante par son odeur de nourriture chaude, et ses lueurs orangées laissant présager un âtre confortable, mais repoussante par l’aspect de son patron, et de sa serveuse.
Il y a toujours des serveuses charmantes, généralement des anciennes nobles données en pature à un patron véreux. Mais ici non. C’est bien la fille de son père, son visage acnéïque porte les traces d’une adolescence débutante, et la purulence de sa peau n’a d’égale que le gras de ses cheveux, elle a de commun avec son géniteur une bedaine digne d’un porc, renforcée par le regard commun à ces animaux, c’est avec dégout que je pose mon postérieur sur un tabouret, à une table sale et contenant assez de restes pour nourrir une patrouille de nains des montagnes.
Mon steack commandé, deux hommes pénètrent dans la salle commune jusqu’alors vide. Le plus grand semble être une sorte de mélange entre un Ours, un Gorille et un jeune enfant de 8 ans. Ses yeux grands ouverts me scrutent d’un air curieux, la masse d’armes accrochée à sa ceinture pourrait bien me servir comme mât de cocagne, elle semble avoir servi à de nombreuses reprises, dont une très recemment à en juger la matière sombre émaillée de morceaux osseux qui la souille. La sorte d’ogre est accompagné par un jeune homme mince, presque malingre, dont le visage est caché par la capuche de sa cape bleu marine, elle aussi couverte de matière organique, ses mains s’accrochent à un fin bâton de bois précieux, serti d’une pointe argentée à la luminescence hypnotique. il marche d’un pas feutré, et glisse jusqu’au comptoir pour murmurer quelques mots au patron de l’établissement.
Ma quête ne peut pas être démunie de compagnons, ceux-ci ont l’air de roublards, aguerris, et si ils portent le sang de leurs victimes sur eux, c’est qu’ils sont suffisament malins pour rester en vie.
« Hé, aventurier, je suis un futur héros à la recherche d’une quête, si possible une princesse plantureuse à sauver, voulez-vous vous joindre à moi, ou m’accepter dans votre bande ? » les interpellais-je.
Je ne vis pas mais sentis le regard perçant du maigre, et l’ogre était trop occupé par la fouille de sa cavité nasale pour se permettre de m’écouter.
« D’accord. Paye ton vin. » Me répondit le maigre.

Nous prîmes une chambre commune, elle possédait 8 lits plutôt confortables pour le prix, et je fus accepté dans le cercle privé de mes nouveaux compagnons. Nous étions seul ici, c’etait le temps de manigancer. Le grand n’était pas un ogre, juste un homme qui avait vécu dans des contrées un peu rude, et où les humains n’avaient pas peur de fricoter avec des orques ou des trolls, sa mère avait visiblement plus de sang vert que rouge, mais il était d’une gentillesse exemplaire, dumoins envers moi. Il s’appelait Namelion, et son complice Vernelion. Celui-ci aussi n’avait pas le sang pur, mais le sien semblait venir des profondeurs sous-terraines des mondes noirs, il parlait en roulant les r, et semblait économiser ses mots comme s’ils lui coutaient un orteil chacun. Il était difficile mais pas impossible de lui faire décrocher un sourire, son visage était jaunâtre comme un hépatique, et il n’avait sûrement jamais du connaître une femme autrement qu’en la payant.
Mon humeur comploteuse fut coupée courte par, justement, la serveuse, qui venait offrir le deuxième service à Vernelion, comme convenu lorsque la chambre avait été prise. Ces pratiques semblaient courantes, je n’en avais bizarrement jamais entendu parler. Namelion et moi-même nous couchâmes, essayant de fermer les yeux et de boucher nos oreilles alors que le couple commençait ses ébats.
Au bout de quelques minutes, je ne resistai pas à jeter un coup d’oeil sur eux, cette énorme femelle et ce minuscule mâle devaient valoir le risque. Je ne fus pas décu du spectacle, la plantureuse serveuse était avachie sur le pauvre Vernelion, celui-ci ne semblait pas en souffrir, et conservait son allure impassible, alors que ses mains fouillaient l’entre-jambe de sa partenaire, et je me mis à imaginer l’état de celui-ci si on tenait compte de l’allure générale du monstre. La nausée me monta à la gorge lorsqu’elle émit un bruit grotesque annonçant le coït, son cou se relevant en arrière, dévoilant une infâme et crasseuse poitrine, flasque et couverte de plaques acnéïques rougeatres, je regrettai immédiatement ma curiosité et me retournai vers Namelion pour me retrouver face au spectacle désolant de sa masturbation, à peine voilée par un drap qui semblait un mouchoir sur lui, il m’aperçu avec les yeux écoeurés posés sur son bas de ventre, et dans une pudique timidité s’arrêta pour faire semblant de dormir.
Heureusement, la serveuse n’était pas payée à l’heure, et une dizaine de minutes suffirent à retrouver le silence et le calme dans la chambre, prêt pour un sommeil court et agité.

Peu après notre départ du village, Vernelion se décide à passer à l’interrogatoire que j’attendais déjà depuis la soirée précédente :
« Alors, c’est quoi ton nom ? me demanda-t-il l’air de rien, avachi sur la sorte de mule qui lui servait de monture
– j’me nomme Gnafron, comme dans le machin des marionnettes, c’est ma mère, elle adore les hommes avec des gourdins, notai-je avec ironie
– j’t’ai pas demandé l’histoire de ta famille, juste ton nom. Va falloir apprendre à pas trop l’ouvrir avec nous. »
Sa réponse sèche me coupa le sifflet pour le reste de la matinée, qui resta aussi silencieuse que si j’avais voyagé avec deux cadavres, l’odeur comprise.
Je me sentais bridé et ralenti par ces deux zigues, et je ruminais comment quitter au plus vite mes nouveaux compagnons lorsque le demi-truc émit le souhait de s’arrêter défequer dans les buissons, et c’est je pense le moment où j’ai touché le fond ; finalement, cette quête merveilleuse commençait gravement à sentir la vieille sueur et le nourriture racie. Je priai alors pour qu’un monstre quelconque, un conventionnel je veux dire, avec des longues dents et une haleine de feu, des écailles ou une peau verte, mais autre chose que ces horreurs qui constituaient mon équipe, attaque, s’en prenne au chieur et à maigrichon-la-mule. Peut-être était-ce une facette inexplorée de mon pouvoir, car au moment même de ma pensée impie, une roche de vingt bonnes tonnes s’écroula sur Namelion, le rendant à la poussière de la manière la plus efficace qui soit. Son collègue ne tardit pas à réagir, et en soldat d’experience talonna sa mule pour s’éloigner à toute bringue du danger, afin de monter un plan de contre-attaque, ou tout simplement se cacher sous la première pierre qu’il trouverait. Ce fut la pierre qui le trouva, et un nouveau menhir orna le chemin en seulement quelques secondes, Vernelion en ornant la base avec quelques bouts de mule.
Libéré de mes compagnons, je n’attendis pas la troisième roche pour sauter le plus haut possible, afin de detecter notre agresseur mais néanmoins bienfaiteur. Il ne fut pas difficile à repérer, géné par les branchages alentours, cette immense créature trollesque avançait vers ce qui semblait être son futur repas mais était à coup sûr mes anciens nouveaux compagnons.
Ma faux prête à ramasser la vile créature, je pris de la vitesse dans ma chute en me regroupant le plus possible, je savais que l’aterrissage ne me ferait aucun mal, mais il fallait que j’en profite pour réduire Trollolo, mon premier Troll, et mon premier monstre dans ma quête vers la chevalerie, en un hachis de blé dur, comme je l’avais si souvent fait dans le passé.
Je parcourus la distance qui nous séparait en une simple seconde, et rabattant ma faux dans le même temps, je pulverisai son corps simplement par la force de la gravité que j’entrainais et accelerais avec moi. La bête n’eut pas le temps de souffrir, ni même de comprendre, et je me retrouvai couvert de ses entrailles chaudes et rougeâtres. Pour la première fois, j’avais concentré cette énergie qui me sert habituellement à me déplacer pour exterminer une créature, et il en restait un cratère d’une dizaine de mètres de diamètre rempli de débris d’arbres et de bouts de chair pulverisés.
Je restai penaud quelques instants, réflechissant à la manière de jauger la puissance, et surtout au fait que je n’avais pas vraiment mis le paquet, étrangement, je n’éprouvais pas le dégout et le remords auxquels je m’attendais à la suite de l’assassinat d’un être vivant, à vrai dire, ca m’avait plutôt amusé, et rendu fier.
Maintenant, ma quête avait commencé, j’avais perdu mes premiers compagnons au combat, j’avais tué mon premier Troll, et je marchais avec fierté, arborant les restes coagulés de ma victime sur mes vêtements.
Comme c’était trop bien d’être un héros !

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